Mon stage de peinture à l'encaustique avec Kat Pibol

J'ai eu la chance de bénéficier d'un cours individuel de peinture à l'encaustique avec l'artiste peintre Kat Pibol. (son site ICI)

Effectuer ce stage c'est, en une après midi, avoir accès à une technique millénaire, bénéficier de plus de 15 ans d'expérience dans cette technique et c'est s'ouvrir un vaste champ de créations artistiques... C'est recevoir en outre, toute l'énergie créatrice de Kat Pibol, une artiste généreuse et prolifique qui, en quelques heures, sait vous transmettre sa passion pour cette technique. C'est vivre un moment convivial et redécouvrir son âme d'enfant, celle qui vous autorise à faire votre popote, à jouer avec les matières et le feu, à vivre la magie qui s'opère quand les pigments fusionnent avec la cire. 

Avant de revenir plus en détail sur ce stage, quelques petites données historiques :

La peinture à l'encaustique est donc une technique de peinture utilisant des pigments délayés dans la cire fondue. Il n'existe que peu d'écrits sur cette technique millénaire mais le texte de référence le plus ancien que l'on connaisse vient de Pline l'Ancien, né en 23 ap. JC. Dans ses écrits, Pline nous explique donc que l'encaustique date environ de -2000 av. JC avec les portrait funéraires du Fayoun en Egypte. Ce sont les plus anciens portraits des populations de l'Egypte antique et certains d'entre eux sont aujourd'hui visibles au Musée du Louvre. La technique utilisée n'est certainement pas étrangère à la formidable conservation de ces œuvres. 

Des peintures à l'encaustique ornaient également les murs des riches demeures de Pompei. Cette technique tomba ensuite en désuétude jusqu'au XVIIIé siècle quand on essaya alors de retrouver les procédés anciens puis, au XIXé s., lorsqu'on en décora les églises. (une peinture à l'encaustique d'Eugéne Delacroix peut ainsi être admirée à l'église St Sulpice à Paris). Plus récemment, citons notamment Jasper Johns dont j'ai admiré le célèbre drapeau au MOMA de New York sans savoir qu'il était réalisé à l'encaustique. 

Venons en maintenant à la pratique !

La peinture à l'encaustique ressemble à de la cuisine au sens propre. Il vous faudra un ou des réchauds électriques, des casseroles, une plancha...et toutes sortes de récipients pour vos pigments et vos mélanges cires/pigments. Je ne vais pas décrire ici toutes les étapes et les secrets de fabrication (je vous encourage pour cela à prendre contact avec Kat Pibol qui vous l'enseignera!) mais sachez que l'on utilise :

de la cire d'abeille pure et blanchie

de la résine Damar

de la cire de Carnauba

(on fait fondre ici les trois ingrédients)

Une fois ce mélange fondu et versé dans des petits récipients, on y ajoute le pigment de son choix selon le dosage voulu pour plus ou moins d'opacité. Chaque couleur obtenue sera conservée à température constante sur la plancha. Tous les mélanges sont possibles et toutes les couleurs peuvent évidemment être obtenues à partir de quelques pigments de base...

(les mélanges pigments/cire sont maintenus au chaud sur la plancha)

Les pinceaux en soie de porc ou en poil de chèvre seront privilégiés car résistants à la chaleur. Les couteaux à peindre peuvent également être utilisés et devront être chauffés pour travailler et étaler la cire. Tous les outils de modelage ou de sculpture pourront également être utiles pour graver la cire et créer des reliefs. Il faudra également être équipé d'un fer à repasser pour encaustique et de spatules ou stylets chauffants. Et puis, pour s'amuser un peu, petit et grand chalumeau et éventuellement décapeur thermique...

(le fer à repasser spécial encaustique)

(le décapeur thermique)

Les supports devront être rigides, panneaux de contreplaqué de diverses épaisseurs, terre cuite, verre, ciment etc...

Il vous faudra ensuite superposer les couches de couleurs et constituer votre sandwich puis les fondre entre elles. Pour cela, il faudra utiliser la chaleur et donc le fer ou les chalumeaux. Après complet refroidissement, il vous sera possible de graver la cire si besoin... 

Voilà, vous l'aurez compris, c'est une véritable cuisine et si tous les ingrédients sont bien dosés, la magie opère...

Ce que j'ai aimé :

- L'approche gestuelle, hasardeuse et spontanée de cette technique qui laisse une grand part à l'intuition. C'est la porte ouverte aux surprises et à la découverte !

  

AVANT (Application des différentes couleurs)                       APRES (le passage du fer...) 

- La "cuisine", la préparation de ces couleurs, l'impression de maitriser tout le processus...

- Des possibilités infinies. La peinture à l'encaustique vous permet de travailler des textures très diverses, de jouer avec des fondus, des glacis, des textures. Vous pouvez y ajouter des papiers, des étoffes, des objets, du sable etc... puis d'autres médiums tels que l'huile, la pastel, le feutre etc... Vous pouvez par exemple réaliser un fond à l'encaustique puis y peindre à l'huile d'autres motifs...

- Les couleurs magnifiées et les effets superbes. Des couleurs d'une grande vivacité et durabilité. Des effets multiples : opacité, transparence, finesse, épaisseur, glacis, textures, matité, brillance... 

 

(je ne sais pas si la photo rend justice à la brillance obtenue...)

- La possibilité de retravailler à l'infini. En effet, point de vernis sur votre oeuvre une fois finie. Il vous suffira de réchauffer votre cire à l'aide du fer ou du chalumeau pour pouvoir effacer et recommencer une partie de votre tableau...

- L'utilisation de produits naturels, non toxiques

Quoi de plus naturel que la cire d'abeille. Attention cependant à la pureté de votre cire, des surprises désagréables pouvant ainsi survenir en cas de cire non bio, non pure...

Pas de vernis comme je vous le disais précédemment, pas de médiums, et autres gels de texture. Vous pouvez également récupérer vos mélanges cire/pigments en les faisant refroidir dans des moules à muffins par exemple. Une fois refroidi, vous avez vos blocs de couleurs qu'il vous suffira de refaire fondre. 

- La rencontre avec Kat Pibol. Certes, la journée est fatigante car il faut absorber et intégrer une multitude d'informations mais l'artiste est tellement énergique, passionnée et convaincante qu'on en oublie la fatigue. Elle n'hésite pas à partager son savoir faire qui ne se limite d'ailleurs pas à la peinture à l'encaustique aussi, il ne faut pas hésiter à poser plein de questions ( ce que j'hésiterais pas à faire hi hi hi )

Ce qui être un peu plus gênant : 

- La peinture à l'encaustique craint la chaleur et le gel.... mais qui aurait l'idée d'aller exposer ces toiles, quelque soit le médium utilisé, en plein soleil ou au milieu d'un lac gelé ?! La cire est certes, par nature, sensible à la chaleur mais elle protège les pigments de la lumière, de l'humidité et confère aux œuvres une longévité étonnante. 

- Il ne faut pas craindre de travailler dans un endroit aéré et donc soumis aux variations de température. La cire et les résines en chauffant peuvent dégager des fumées quelque peu toxiques... il faut donc mieux laisser la porte de l'atelier ou du garage grande ouverte et, comme le préconise Kat, de s'équiper de combinaisons de ski pour l'hiver !!!

- Il faut prévoir un petit investissement de départ mais c'est somme toute, assez peu onéreux. Avec un peu de sens pratique on trouve de plus des ustensiles très pratiques à moindre coût. Et, au final, cela est moins onéreux que la pratique d'autres techniques qui, avec l'achat des chassis toilés, des tubes de peinture, des pinceaux, des médiums etc... peut coûter relativement cher !

Je vous laisse enfin avec les trois tableaux (30x30 cm) réalisés durant cet aprés midi. Le premier plus figuratif a permis d'appréhender plusieurs possibilités ( fond texturé, utilisation des pigments et gravure de la cire...) et ont été travaillés au fer et au décapeur thermique. Les deux autres sont plus abstraits ( je les appelle mes "floralies" !) et ont été travaillés plus intuitivement, en jetant la cire et en travaillant deux toiles simultanément. Ils ont permis l'utilisation des chalumeaux, petit et grand. 

Merci Kat !